Concert Caroline Tolla nuit

Triptyque huiles sur toile 342 × 146 cm s.d. © adagp, Paris, 2024.

23 juin- 22 septembre 2024

CLAUDE GARACHE
Stabilité et mouvement

 Vernissage le 22 juin à 18h

Claude Garache

 

Né à Paris en 1929, Claude GARACHE est un des peintres les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle. Il exécute ses premiers travaux personnels en 1948 et reçoit l’enseignement, en sculpture et en dessin, du statuaire Robert Coutin. Après avoir fréquenté les ateliers de Fernand Léger, d’André Lhote et l’atelier d’art monumental de l’École nationale supérieure des Beaux-arts, il voyage en Europe, au Moyen-Orient, et se fait recruter, en 1955, par Vincente Minnelli comme directeur artistique sur le tournage de Lust for Life, film sur la vie de Van Gogh. En 1959, il commence à peindre à Paris face au modèle, prenant exemple sur Alberto Giacometti à qui il rend visite cette année-là. Dès lors, le sujet essentiel de son œuvre est le corps féminin, peint ou estampé selon les multiples variations de la couleur rouge, couleur de l’incarnat et de l’incandescence. Parfois des noirs, des orangés, des verts viennent nous surprendre par des attitudes plus graves et sourdes. Jamais rien de grivois ou d’érotique dans le mauvais sens du terme, mais un éblouissement devant les modèles et leurs formes que le peintre nous transmet par un tracé à la fois souverain et tendre. Les mouvements du corps et les éléments qu’il privilégie dans une épiphanie magistrale trouvent grâce et tension sans mise en scène arbitraire ou quelque décor superflu qui viendraient les éteindre plutôt que de les mettre en valeur et en lumière. Son expression picturale immédiatement identifiable, inlassablement remise à l’ouvrage comme un désir sans fin, située à la lisière du réel et de l’abstraction, a été saluée par ses pairs, de Pierre Courtin à Raoul Ubac, de Marc Chagall à Joan Miró, qui l’ont fait connaître à leurs amis écrivains.

C’est ainsi qu’en 1974 le poète Yves Bonnefoy écrit un premier essai d’envergure, qui fera connaître l’œuvre de GARACHE à un plus large public : « Peinture, Poésie ; Vertige, paix¹ ». Au fil des années, le peintre aura obtenu la reconnaissance de grands historiens de l’art : Dora Vallier, dès 1965, Jacques Thuillier, Jean Starobinski, Alain Madeleine-Perdrillat ainsi que de nombreux écrivains de sa génération : Jacques Dupin, Edmond Jabes, Piero Bigongiari, Philippe Jaccottet ou plus récemment Bernard Noël et Anne de Staël. GARACHE a participé à nombre de revues d’art et de littérature prestigieuses de son temps : Derrière le Miroir, Argile, Conférence et La Revue de Belles lettres.

¹ Texte repris sous le titre “Dans la couleur de Claude Garache” dans l’ouvrage d’Yves BONNEFOY : Le Nuage rouge, Mercure de France, 1977.

Un retour à Ratilly

Le peintre Claude GARACHE est décédé l’année dernière. Il avait exposé à Ratilly l’été 1976, deux ans après une première rétrospective de son travail à la Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence. Il faisait partie des artistes invités par Yves Bonnefoy pour l’exposition Terre seconde que le poète avait organisée au Château cette année-là : voir le catalogue Terre seconde, Préface d’Y. Bonnefoy, Ratilly, 1976 ².

En accord avec le Fonds Hélène et Claude Garache, les Amis de Ratilly souhaitent honorer sa mémoire et ont confié à Amaury Nauroy, directeur des collections et des archives du Fonds, écrivain et ami intime du peintre, le soin de concevoir cet hommage au sein des salles du château.

L’exposition conçue par Amaury Nauroy met l’accent sur la passion de Claude GARACHE pour la sculpture, à laquelle sa femme Hélène et lui ont été formés. À la différence d’Hélène, qui en a fait le centre de son œuvre, la sculpture est restée pour Claude GARACHE une activité marginale. Mais c’est bien en tant que sculpteur qu’il n’a cessé de peindre, cherchant à modeler toujours davantage ses nus.

² La préface de Terre seconde a été reprise dans l’ouvrage d’Yves BONNEFOY : Le Nuage rouge, Mercure de France, 1977. 

Claude Garache dans son atelier, 1988 © Michel Nguyen

Le corps féminin, son essentiel

Jusqu’aux années 1980, les figures féminines peintes par Claude GARACHE sont marquées par un statisme vibrant. Les figures des années 1960 sont même frontales et occupent toute la surface de la toile. Celles des années 1970 sont plutôt peintes de dos, voutées sur le côté, voire couchées. Leur nudité crue à la fois singulière et respectueuse, traitée par une couverte de glacis successifs, rend leur apparition ineffable et paradoxalement déterminante à la mesure de l’aura qui s’en dégage. À partir des années 1980, en revanche, la représentation du corps change à l’instillation notamment de certains modèles, au premier rang desquels Anne McClung. Celle-ci dit avoir suscité chez Claude GARACHE le désir de délivrer le corps nu de sa représentation recroquevillée et méditative pour une appréhension du corps davantage en mouvement.
Cette singularité du travail à l’œuvre chez GARACHE, qui recherche tout autant la vibration dans la stabilité que le point d’équilibre dans le mouvement, est mise en avant par le choix des œuvres exposées, lesquelles, à l’exception d’une ou deux, n’avaient d’ailleurs jamais été montrées en public.
La salle dite « des Terres », à Ratilly, où figure le seul triptyque jamais réalisé par l’artiste, est une sorte d’avènement de la toute dernière manière du peintre, où le corps, au sommet de son épanouissement, prend des poses tantôt pugnaces, tantôt dansantes. Des estampes extraites de L’Ordalie, des lettres manuscrites et divers documents photographiques sont exposés dans des vitrines et sur des tables appropriées. Ils illustrent les rencontres du peintre avec certains amis poètes et sa collaboration mercenaire avec le milieu du cinéma : Alain Resnais a en effet commandé à Claude et Hélène GARACHE une sculpture pour le jardin de L’Année dernière à Marienbad ; Claude a appris à Kirk Douglas à tenir un pinceau. Enfin sont exposés les ultimes brosses et couteaux du peintre, tels qu’ils étaient restés alignés sur la moquette de son atelier parisien, rue du Cherche-Midi.

Martin Pierlot
Ratilly, mai 2024

Bâton rouge(G300) huile sur toile 146 × 114 cm 1964 © adagp, Paris, 2024

Vou (G631) huile sur toile 162 × 130 cm s.d. © adagp, Paris, 2024

Tête d’Yves Bonnefoy terre cuite 30,5 × 22 × 22 cm 1981 © Alberto Ricci

Petite bouge (G416) huile sur toile 146 × 114 cm 1964 © adagp, Paris, 2024