1er avril – 17 juin 2023

Sève

Sandrine Beaudun papiers végétaux

Patjiro sculptures et dessins

Geneviève Michon photographies

Philippe Deltour dessins et peintures

Contempler un arbre, se régénérer avec le rayonnement filtré par ses feuilles, caresser son bois, sentir son écorce, frôler ses racines…
Depuis bien longtemps l’Homme entretient une relation étroite avec l’arbre nourri par une énergie invisible, mystérieuse mais puissante et essentielle.
De cette énergie véhiculée par une sève printanière, naissent des représentations poétiques, dévoilées par la matière noble et la couleur révélatrice de lumière qui fait de l’arbre un passeur de rêves et d’équilibre.
Ainsi, de la fibre de Kozo qui donne vie au papier végétal, au cœur de l’arbre que la main vient transformer et structurer, de l’objectif qui perçoit le sensible aux pigments qui le traduisent, quatre histoires d’artistes prennent vie dans les salles qui regardent la forêt.
Chaque récit est différent mais la force qui s’en dégage est puissante, nourricière et rassurante.
Le lien entre chaque récit est probablement la relation universelle qui nous lie aux arbres, celle qui commence lorsque, petit, nous sautions pour attraper la première branche afin de grimper et rêver d’être oiseau, ivre de liberté.
Cette relation existentielle nous accompagnera durant toute notre vie, l’arbre restera un ami avec lequel nous marcherons longtemps…

Mathias Pierlot

Sandrine Beaudun : Dentelle de feuilles

Sandrine Beaudun : Dentelle de feuilles, détail. photo © Federica Paletti

Sandrine Beaudun La passion de la matière

« Sandrine Beaudun nous invite à une promenade sensible en parcourant ses dernières œuvres créées, en résonance avec Ratilly.
Les grands formats, véritables tableaux inspirés par les ciels et les paysages du Val d’Ocre que Sandrine habite, se métamorphosent en paysages intérieurs. Leur souffle, leur force fragile nous emportent loin, très loin…
Les moyens formats, voyages dans le temps, leurs vibrations résonnent en nous. Ils nous entrainent dans une danse avec les fibres, la dentelle des feuilles, la transparence.
Derrière ce que nous découvrons, se cachent l’énergie, la sensualité de Sandrine, artiste toujours dans un rapport étroit au vivant, au geste, au temps, à l’imprévu, à une matière (le kozo et le lokta) qui joue subtilement avec l’eau, grâce à la lumière et au mouvement.
J’ai rencontré Sandrine en 2019 et j’ai participé à plusieurs de ses stages. Je sais l’énergie, la précision du geste dans les bacs d’eau où elle fait pénétrer le souffle pour que la matière se crée.
Le ballet des fibres dans l’eau, que le rythme d’une tige de bambou sépare pour oxygéner la matière, lui permet de la recomposer.
Puis vient le temps plus apaisé de la création, où elle “ cueille ” la matière se déposant sur le tamis animé de mouvements de va-et-vient.
Ensuite le moment où le tamis est extrait de l’eau, et donne naissance à un papier qui va poursuivre sa mue en séchant, et en se transformant au gré de son inspiration.
Je sais son émerveillement devant l’inattendu, l’éphémère, les teintures végétales, les dentelles de feuilles, et j’aime son désir de matérialiser de nouveaux paysages intérieurs, toujours et encore ! »

Dominique Gressin

Diplômée de l’école Olivier de Serre en 1981 en section Design Textile, puis empruntant les chemins de la calligraphie, Sandrine Beaudun est plasticienne de la matière.
En 2008 elle éprouve intuitivement la nécessité de revenir à la question du support, et de l’interroger comme une source d’expression fondamentale et plus personnelle. Elle apprend alors la technique de fabrication japonaise de la feuille de papier et plus particulièrement la fibre de Kozo (murier japonais).
La « feuille » devient pour elle, un champ d’expériences et de rencontres avec le vivant dans ce qu’il a de plus créatif. Elle y trouve la promesse toujours renouvelée d’un territoire des possibles où imaginaire et création peuvent s’exprimer.
Sandrine Beaudun vit et travaille dans l’Yonne. Elle organise régulièrement des stages de fabrication de papier végétal et de création papier.

Patjiro : La vague

Patjiro : La vague, merisier, 40 × 30 × 30 cm

Patjiro Les élans du bois

Patjiro est un sculpteur admiratif du vivant et des formes en mouvement. C’est dans son atelier de l’Yonne qu’il taille les essences des forêts de Puisaye à la massette et à la gouge. Il retrouve ainsi le geste primitif du sculpteur. En quête d’une harmonie essentielle, il sculpte le bois, cette matière vivante par excellence. Il s’intéresse aux liens qui unissent les arbres entre eux et envisage la possibilité d’un langage intemporel et universel. Il suggère la force mystérieuse des éléments naturels que l’on retrouve dans les mythologies ancestrales.
À travers ses dessins, il cherche à mieux définir les formes en mouvement qui s’offrent à lui au fur et à mesure de la taille. Il travaille l’équilibre fragile et aérien du vide vers le plein, de l’ombre vers la lumière.

« La morphogenèse est une science qui est étudiée depuis la Grèce ancienne. La racine grecque “ morph ” signifie forme et “ genèse ” signifie formation. En sculptant des familles, des groupes d’arbres je souhaite souligner le côté social des végétaux qui s’associent et s’entraident, on passe de la compétition à la complémentarité…
[…]
Ce travail de sculpture en taille directe est un hommage au végétal et au vent qui met en mouvement et en musique.
Je vois la forêt comme un lieu de vie originel.
Le bois, matériau vivant par excellence dans la longue chaîne de la vie sur terre, autrefois algue, n’est-il pas issu de la nuit des temps ?
De l’aubier, du cœur du tronc, aux branches, racines et feuilles, tout ne fait qu’un. Un tout comme une formule magique se répétant sans fin permettant dans une économie de moyens de donner naissance à l’extraordinaire.
Mon travail parle de temporalité, de la lumière qui varie du matin au soir…
Je suis fasciné par la fragilité d’une fleur, par la délicatesse d’une tige qui s’allonge, par la grâce d’une feuille qui se déploie, émerveillé par la finesse du monde végétal qui sait si bien associer légèreté élégance et mouvement.
Comment s’harmoniser avec l’environnement naturel et vivre avec les plantes, les rochers, les animaux dans le respect de leurs différences ? Cette question, que je me posais déjà dans mon enfance quand je m’amusais à construire avec des brindilles, des moulins et des ponts dans les forêts où coulaient des rivières… »

Auparavant designer pour Honda R&D à Tokyo, Patjiro pratique la calligraphie japonaise à la recherche d’un geste pur et spontané. Il imagine une harmonie possible avec la nature à travers des expérimentations. Il travaille à main levée avec des matériaux durables comme le bois et le métal. Il est diplômé d’un Master of Art du Royal College of Art de Londres et a obtenu un Giugiaro Innovation Award.

Geneviève Michon : Trogne Saint-Sauveur 1

Geneviève Michon : Trogne Saint-Sauveur 1, tirage sur toile, 120 × 120 cm

Geneviève Michon - Philippe Deltour Devenir forêt

« Il ne s’agit pas juste ici de traduire en mots et en images des émotions que nous inspire la fréquentation des espaces forestiers. Ni de traverser la forêt, de la regarder, de la sentir, puis de rendre compte. Nous avons plutôt tenté de nous laisser happer par la forêt, de la laisser venir en nous, regard flottant, pensées absentes, oubliant jusqu’à qui nous sommes, avec juste cette grande attention aux vibrations qui nous envahissent quand on pénètre sous les arbres.
Nous avons tenté de devenir nous-mêmes forêt, par immersion, par lente imprégnation, par fréquentation régulière.
Puis de laisser “ advenir ” cette forêt, une forêt, des forêts, à travers nos créations. Sans retenir quoi que ce soit d’autre que ce souffle qui nous a traversés et rendus, pour un moment, parcelles d’une éternité verte.
C’est sans doute le mieux que nous puissions faire, avant de nous-mêmes nous transformer en arbres ou en lianes, un jour… Car que pouvons-nous percevoir de cette altérité fondamentale depuis notre condition d’humain ?  »

Isolé ou en petits groupes, l’arbre paysan est né d’une relation étroite et ancestrale entre l’Homme et la plante. Sa silhouette dessinée par la taille et sculptée par le temps change selon les essences et les coutumes.
Parmi leurs nombreux voyages à la rencontre de ces figures végétales dans le monde, Geneviève et Philippe sont venus en Bourgogne observer et s’inspirer des trognes locales, majestueuses statues arborescentes.
La trogne appelée aussi « têtard » est un arbre dont la forme caractéristique résulte d’un mode d’exploitation spécifique consistant en des tailles périodiques particulières afin de fournir principalement du bois et du fourrage.
Plusieurs essences différentes d’arbres peuvent être taillées selon les régions et les besoins (fagots, vannerie, chauffage, manches…).
En Puisaye particulièrement, terre de potiers, son bois était utilisé, entre autres, pour la cuisson des pots.
Menacés de disparition à la suite, notamment, de remembrements successifs, les têtards, éléments emblématiques des paysages, ont pourtant des fonctions écologiques, économiques et sociales, ce qui encourage des projets de sensibilisation, de valorisation et de réhabilitation des trognes.

Geneviève Michon est ethnobotaniste, écrivaine, directrice de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) et photographe.
Philippe Deltour est artiste plasticien. Son œuvre a été présentée dans plusieurs expositions internationales.
Ils se sont rencontrés autour des genévriers thurifères dans l’Atlas marocain, puis autour des arbres et des forêts libres du Sud de la France.

Philippe Deltour : Le Chêne vert du puech à la nuit dormante

Philippe Deltour : Le Chêne vert du puech à la nuit dormante, fusain sur papier Arches, 56 × 76 cm

cinema

Sève

Vernissage de l’exposition le 8 avril 2023 à partir de 16h en présence des artistes Conférence à 17 heures Geneviève Michon : « Forêts et arbres paysans » Entrée libre Exposition du 1 avril au 17 juin 2023 lundi au jeudi : 10h – 12h / 14h – 17h30 samedis, dimanches, jours fériés : 14h30 – 18h fermé le vendredi